• De la diversité des lectures "on"

    Nous avons vu dans cet article que les kanjis peuvent avoir deux types de prononciation : la lecture "kun" (ou japonaise) et la lecture "on" (ou chinoise). Nous allons nous intéresser ici plus particulièrement à la grande diversité de lectures "on".

    En effet, non contents d'avoir, donc, une lecture "on" et une lecture "kun", certains kanjis poussent le bouchon encore plus loin et ont parfois plusieurs lecture "on" ! (et parfois aussi plusieurs lecture "kun"...) Or, comme les lectures "on" sont basées sur la prononciation chinoise, et les caractères chinois n'ont souvent qu'une prononciation, cela ne parait pas logique... sauf si l'on considère le problème sur la durée.

    Si l'on reprend l'histoire depuis le début, les Japonais ont découvert l'écriture (chinoise) via l'immigration de populations coréennes délogées par la guerre et qui emportaient avec elles des textes. Ils ont donc intégré le vocabulaire nouveau trouvé dans ces textes en "japonisant" leur prononciation chinoise. Or, la Chine n'est pas composée d'un seul peuple, c'est une mosaïque d'ethnies, de territoires, de royaumes assemblés (et désassemblés) avec le temps en un Empire gigantesque. Les dynasties se renversent régulièrement les unes les autres et lorsqu'une nouvelle dynastie ou ethnie arrive au pouvoir, sa langue devient la langue officielle. La prononciation officielle des caractères chinois a donc changé régulièrement au gré des divers changements politiques. Et chaque fois, les Japonais incorporaient ces nouvelles prononciations...

    Oui, mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ... me direz-vous. Pourquoi ne pas continuer à utiliser simplement les anciennes lectures ? Ou bien pourquoi ne pas faire comme les Chinois, et abolir les anciennes lectures pour en imposer de nouvelles ? Eh bien, c'est que vous n'êtes pas Japonais ! L'histoire géopolitique et culturelle du Japon fait qu'au Japon, le concept d'exclusion n'existe pas : pour incorporer une nouvelle doctrine ou pensée, il n'y a pas besoin d'oublier la précédente (pour tout savoir sur cette "spécificité japonaise", vous pouvez lire ce dossier... bon courage ;-) ).

    Plus simplement, on peut supposer que d'une part, les Japonais, contrairement aux Chinois contraints par un changement politique violent, n'avaient pas besoin de modifier leurs habitudes, mais que d'autre part, comme ils continuaient à incorporer du vocabulaire issu de nouveaux textes chinois, ils le faisaient toujours selon la même méthode, à savoir, japoniser la prononciation chinoise (d'autant plus que ce nouveau vocabulaire était aussi diffusé par l'oral, via des ambassades ou bien par des moines ou étudiants revenant de Chine).

    C'est pourquoi un caractère qui n'a qu'une seule prononciation en chinois moderne peut en avoir plusieurs en japonais moderne. Et comme les changements de dynastie s'accompagnaient de changement de doctrine, philosophie, pensée, etc... telle ou telle lecture "on" se rattache plutôt au vocabulaire de tel ou tel mouvement de pensée chinois.

     

    ***

     

    Petite présentation des catégories

     

    呉音 : "go on" (appelées 和音 "wa on" jusqu'au milieu de l'époque Heian)

    Les "go on" sont les premières lecture "on", importées au IVe siècle avec les premiers kanjis. 呉 est le kanji qui désigne le royaume Wu à l'époque des Trois Royaumes (Wu, Wei, Shu) en Chine (à la chute de l'Empire Han, au 3e siècle).

    Les premiers textes importés traitant beaucoup du bouddhisme, les "go on" se retrouvent beaucoup dans les mots concernant le bouddhisme.

     

    Trois Royaumes

    [source image 1]

     

     漢音 : "kan on"

    Après une longue période de division de l'Empire chinois en plusieurs royaumes, dynasties... le territoire est enfin réunifié par la dynastie Tang (唐) (7e et 8e siècles), qui prend comme capitale la ville de Chang'an (長安), au nord. Le parler du nord remplace donc le parler du sud. (ne me demandez pas pourquoi ces lectures sont les "kan on" et pas les "tô on", c'est un mystère qu'il me reste à éclaircir...)

    Les "kan on" se retrouvent beaucoup dans les termes relatifs au confucianisme.

     

    宋音 : "sô on"

    Les "sô on" couvrent la période des dynasties chinoise Song (宋) et mongole Yuan (元), soit du 10e au 14e siècle.

    Importées principalement par des bonzes zen, elles sont fréquentes dans le vocabulaire concernant le bouddhisme zen.

     

    唐音 : "tô on"

    Les "tô on" sont les lectures "on" basées sur la prononciation du chinois de la dynastie Ming (明) au début de la dynastie Qing (清), soit environ du 14e au 17e s.

    Incorporées pendant l'époque de fermeture du pays (époque d'Edo), elles sont entrées au Japon très précisément par le port de commerce de Nagasaki, où il y avait un comptoir chinois autorisé. (Il arrive que les "sô on" soient incorporées dans les "tô on").

     

    ***

     

    Les dictionnaires japonais de kanjis précisent donc la catégorie de chaque lecture "on".

    Exemples :

    私 : ワ (呉), オ (唐), カ (漢)

    肉 : ニク (呉), ジク (漢)

    悩 : ノウ (呉), ドウ (漢)

    生 : セイ (漢), ショウ (呉)

    青 : セイ (漢), ショウ (呉)

    On remarque dans les deux derniers exemples la même évolution de langage. Ainsi, certaines lectures "on" sont régulièrement associées (comme ici : "sê" et "shô") : retrouver ces schémas peut aider à les mémoriser plus facilement !

     

    Source

    - デジタル大事泉, shogakukan (sur Casio Ex-word Dataplus 4 XD-GP7250)

    - 漢字源, Gakken 2006 (sur Casio Ex-word Dataplus 4 XD-GP7250)

     

     

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